Un décor de contes et légendes

22/11/2022

Le 2 novembre, c'est mon anniversaire et nous nous réveillons dans un épais brouillard près de la petite ville de Sighisoara. Cette météo pas très avenante est vite oubliée grâce aux surprises prévues par Valentin pour marquer l'occasion : un gâteau, des bougies, une bouteille de Prosecco Roumain. J'ai aussi le droit à quelques énigmes pour dévoiler mon cadeau : un vol en montgolfière en Turquie, qui marquera le coup de ces 30 ans comme il se doit et promet d'être un moment inoubliable ! Nous nous mettons en route pour visiter Sighisoara, réputée comme étant l'une des plus belles villes médiévales dans les guides. Peut-être est-ce lié à la météo ou l'ambiance un peu abandonnée de ce mois de novembre, mais nous n'avons pas tellement accroché avec cette visite. Les maisons d'époque et les fortifications pourraient être particulièrement jolies, mais ne sont pas très bien entretenues. Dans le centre-ville, le peu de commerces se résume à des restaurants, hôtels et boutiques de souvenirs, proposant des déguisements de chevaliers ou de Dracula. Sans doute l'animation de la pleine saison lui aurait rendue un peu plus justice... Le soir venu, nous passons la soirée en visio avec ma famille, qui m'a concocté quelques surprises également pour mes 30 ans. Rendez-vous dans quelques mois pour pouvoir les fêter en vrai, en France !

Nous reprenons ensuite la route, direction Brasov, à l'Est de la Transylvanie. Il s'agit d'une des plus grosses villes des alentours, et nous décidons donc d'en profiter pour passer par la case garage. Non pas que nous aimions faire le tour des garages de chaque pays, mais un bruit sourd au niveau de la roue avant droite nous inquiète depuis quelques jours... il se produit lorsque nous braquons le volant à fond, et nous préférons vérifier qu'il ne s'agit pas d'un problème dans la direction. Comme à leur habitude, les Roumains ne passent pas par quatre-chemins : 30 minutes après notre arrivée, le garagiste est déjà en plein démontage de notre roue. Lui et ses copains sont d'ailleurs très étonnés de voir deux touristes et nous demandent comment nous sommes atterris ici : la magie de Google ! Nous partons faire quelques courses à pied et à notre retour nous avons son diagnostic. 

C'est un roulement au niveau de l'amortisseur ainsi que le ressort de suspension qui sont cassés. Sans doute du fait de leur âge (Eux aussi ont 30 ans...) et des vibrations causées par les routes des Balkans, qui s'avèrent parfois être de vraies pistes 4x4 ! Ce n'est pas tout, puisqu'il a aussi repéré que nos disques de freins sont en très mauvais état. Nous le constatons par nous-même lorsqu'il nous les montre, on pourrait lire du braille dessus alors qu'ils sont censés être complétement lisses... S'agissant des freins et donc de notre sécurité, nous ne voulons prendre aucun risque. Nous décidons donc de profiter du démontage des deux roues pour lui faire changer l'ensemble, surtout que les prix roumains restent avantageux. Il nous explique qu'il va commander les pièces pour une livraison dès le lendemain, à la première heure. Il devra ensuite attaquer le remontage dans la foulée puisqu'il doit partir en week-end en fin de matinée. Avec le risque, si les pièces n'arrivent pas à temps, que nous ayons à rester ici jusqu'au lundi. Nous passons donc une nuit très originale devant le garage, dans notre camping-car sur chandelles. Sur le coup, nous pensions au moins dormir au calme, une fois tous les travailleurs de cette zone industrielle rentrés. Mais c'était sans compter la présence d'un entrepôt logistique, pile en face du garage, d'où nous parvient le doux bruit des fenwick et dont les salariés viennent régulièrement prendre leur pause-café à côté de Mammouth. Assurément la pire nuit de notre voyage jusqu'à maintenant !

Le lendemain, la chance est de retour : les pièces arrivent dès 8 heures du matin et nous récupérons notre Mammouth réparé à midi, comme prévu. Une belle galère de plus derrière nous et qui s'est finalement réglée assez rapidement. Maintenant, il est temps de voir autre chose de Brasov que sa zone industrielle ! Cette ville est une belle découverte : jolie et beaucoup plus vivante que toutes celles que nous avons visité jusqu'ici. Peut-être est-ce lié au fait que nous sommes désormais le week-end. Alors que nous arrivons sur la grande place, nous découvrons un groupe de jeunes avec des ballons « 30 ans » et une banderole « La Multi Ani » qui signifie « Joyeux Anniversaire » en roumain. Une telle coïncidence que je suis d'ailleurs toujours convaincue que Valentin les a engagés pour me faire une surprise, même s'il n'a rien avoué.

Nous consacrons notre samedi à la visite du célèbre Château de Bran, un passage obligé lorsque l'on visite la Roumanie. Cet emblème de la Transylvanie est plus connu sous le nom de « Château du comte Dracula ». Une légende que la Roumanie s'est quelque peu appropriée, car en réalité, il n'est fait aucune mention de ce château dans le roman de Bram Stoker. Seule sa ressemblance avec le château décrit par celui-ci, lui aurait valu ce titre, permettant d'attirer la foule dans cette région de la Roumanie. Nous savions d'ailleurs que l'endroit est très touristique, mais sommes étonnés de la fréquentation à cette saison : on dirait que tous les Roumains s'y sont donnés rendez-vous ! Nous nous éloignons rapidement de la cohue des stands de souvenirs, pas toujours très locaux, à en croire les peluches de pandas ! Nous avons repéré une colline en face du château pour aller chercher un beau point de vue. C'est mission réussie, car le château est encore plus beau vu d'ici, avec ses multiples tours et son emplacement dominant les alentours. La période est vraiment parfaite pour visiter cette région : les couleurs d'automne et les collines brumeuses nous plongent pleinement dans cette ambiance de légendes un peu sombres. Avec son aspect à la fois dramatique et mystérieux, ce château de Bran vaut largement sa réputation, vampire ou pas !

Le manque de soleil des derniers jours, nous a empêché de charger correctement la batterie avec nos panneaux solaires. Le soir, nous cherchons donc un camping afin de pouvoir nous recharger en électricité. Nous repérons un endroit original à quelques kilomètres de Brasov, situé dans le jardin d'un cloître, près d'une église fortifiée. Nous sommes accueillis chaleureusement par le gérant des lieux et une fois installés, nous prenons un taxi pour aller découvrir un peu plus la gastronomie locale à Brasov. Nous trouvons une place en terrasse, bien au chaud grâce à un radiateur, et décidons de commander deux plats au hasard. Finalement, Valentin se retrouve avec de grosses saucisses d'agneau et des frites, ressemblant fortement aux cevapi que nous avons déjà pu manger un peu partout dans les Balkans ! De mon côté, je m'en sors avec un plat plus traditionnel, mais qui se révèle très copieux : une cassolette de polenta, mélangée à de la crème et recouverte de fromage type Reblochon. Après tout ça, nous n'avons plus faim pour un dessert et sommes contents de ne pas être venus en vélo !

Le lendemain, au moment de régler notre nuit, le gérant nous propose généreusement de visiter l'église fortifiée gratuitement. Il insiste même pour que nous emmenions Cassia avec nous, laquelle nous suit dans les escaliers menant jusqu'aux imposantes cloches. Dans l'église, la décoration est plutôt sobre, hormis les bancs recouverts de petits coussins de toutes les couleurs. Juste avant de terminer la visite, un monsieur d'une soixantaine d'années, s'adresse à Cassia en français. Nous entamons la discussion et apprenons qu'il travaille avec sa femme à l'ambassade de Moldavie. Ils nous racontent leur vie d'expatriés bien remplie, entre l'Inde, la Chine, la Namibie et le Kosovo et nous félicite pour notre projet de voyage (la vie passe trop vite d'après lui !). Une belle rencontre imprévue que nous garderons en mémoire. 

Au moment de partir, nous passons encore quelque temps avec le gérant et sa femme, qui nous expliquent qu'ils tiennent dans ces lieux un refuge d'une trentaine de chats. Ils travaillent avec des associations pour les faire stériliser et adopter. L'une de leur protégée est installée sur une chaise et guette Cassia du coin de l'œil. Ils nous apprennent qu'elle est prénommée « Madame Pisu », qui se prononce « Madame Pissou ». Nous devons paraitre interloqués, puisqu'ils précisent qu'elle vient de la ville de Bucarest (surnommée « le petit Paris »), ce qui lui a valu le qualificatif de « Madame ». Quant à « Pisu », il s'agit à priori d'un prénom commun en Roumanie. Devant leur fierté, nous n'osons pas leur expliquer la signification en français du nom de ce pauvre chat, mais l'anecdote nous fera ensuite beaucoup rire.

Pour terminer cette riche semaine, nous prenons la route vers le sud, direction Sinaia. Il s'agit de la plus grande station de ski de Roumanie, qui abrite aussi le magnifique château de Peles. La station est déserte à cette période de l'année, et nous stationnons tout en haut près de la forêt où nous apercevons des petits écureuils qui se poursuivent dans les arbres. Cette vue et un soleil magnifique nous accueillent au réveil le lundi 7 novembre. Parfait pour une belle randonnée autour du château. Mais nous sommes rattrapés par un petit imprévu : celui-ci se révèle fermé le lundi et le mardi ! Heureusement, nous pouvons tout de même accéder aux extérieurs et sommes même gagnants puisque nous rentrons dans la cour gratuitement, ce qui n'est pas possible lors des ouvertures. Ce superbe château était la résidence d'été du Roi Carol Ier qui le fit construire entre 1873 et 1914. D'inspiration renaissance, il mêle aussi des styles italiens, français, gothiques, et même orientaux. Un vrai petit bijou niché au milieu d'un beau parc et des montagnes, qui nous transporte une nouvelle fois dans un imaginaire de contes et légendes. Reste à choisir s'il serait plutôt digne de la Belle au bois dormant ou de Cendrillon...